Ligue cancer 63
[ Il n’y a pas urgence ! Importance de la RCP pré thérapeutique ]
L’Institut National du Cancer (INCa) a élaboré des critères d’autorisation pour les établissements de soins prenant en charge des patients atteints de cancer. Ils comprennent des seuils minima d’activité par type de traitement (radiothérapie, chimiothérapie, chirurgie) associé à des critères de qualité et de sécurité. Pour la chirurgie les seuils sont définis par organe : sein, prostate, tube digestif, etc… Les autorisations sont délivrées par les Agences Régionales de Santé (ARS) dans le but de garantir, pour tous, une prise en charge de qualité dans les établissements autorisés et donc une égalité des chances pour les patients qui y sont soignés. Des études récentes ont montré que, malgré la loi, nombreux sont les malades qui sont encore opérés d’un cancer dans des établissements qui ne sont pas autorisés et donc a priori par des chirurgiens qui ont peu d’expériences des opérations avec des risques de pertes de chances pour les malades. Bien souvent, les chirurgiens en cause invoquent l’urgence de la situation. Mais dans ces cas il faut savoir de quelle urgence on parle.
Seules les urgences vitales, c’est à dire quand une fonction vitale est menacée dans les heures qui suivent, nécessitent un geste urgent et cette éventualité est exceptionnelle en cancérologie. Ça peut être le cas d’une détresse respiratoire par compression des voies aériennes, une occlusion intestinale ou une insuffisance rénale aigue par compression des conduits urinaires… dans ces cas des gestes simples de décompression doivent être réalisés souvent sans même toucher à la tumeur en cause. Ils permettent alors de rétablir la fonction vitale et d’avoir le temps de faire un bilan pour réfléchir à la meilleure stratégie thérapeutique quitte à transférer le malade dans un centre autorisé.
On n’ose pas penser qu’à l’heure de la tarification à l’activité (en secteur public comme libéral), un effet pervers serait que certains y voient une motivation pour opérer rapidement plutôt que de transférer !
Le plus souvent, le chirurgien de bonne foi et pressé par le patient et/ou sa famille peut avoir l’impression d’une évolution rapide et cherche à enlever la tumeur le plus vite possible, craignant qu’elle ne progresse si on perd du temps, pour faire un bilan complet ou pour organiser un transfert. En réalité la connaissance de la biologie des cancers montre que ces évolutions rapides sont rares et en plus quand elles existent il vaut mieux sursoir à la chirurgie au profit d’une autre approche thérapeutique. Si on prend l’exemple du cancer du sein, on sait qu’il s’écoule plusieurs années entre l’apparition de la première cellule cancéreuse et la formation d’une tumeur de 1 cm de diamètre. En réalité, on a donc, presque toujours, le temps de faire le bilan complet des caractéristiques et de l’extension tumorale avant de prendre une décision thérapeutique. Celle-ci n’est d’ailleurs plus obligatoirement un geste chirurgical en premier, toujours dans le domaine du cancer du sein on a montré qu’une chimiothérapie première peur faire diminuer le volume de la tumeur et permettre de conserver le sein alors qu’il aurait fallu faire une mammectomie totale. Ce délai, s’il est raisonnable (moins d’un mois) permet de réfléchir et de proposer la meilleure prise en charge. Il est d’ailleurs préconisé par l’INCa qui parmi les critères d’autorisation recommande que les thérapeutiques soient décidées obligatoirement en Réunion de Concertation Pluridisciplinaire (RCP), c’est à dire, en réunissant, au minimum, les médecins des différents traitements du cancer : chirurgiens, radiothérapeutes et oncologues médicaux. Il est donc particulièrement important que la RCP soit tenue avant toute thérapeutique. C’est un critère de qualité majeur garantissant aussi l’égalité des soins, les malades ont le droit de savoir, avant tout traitement, si leur cas a bien été discuté en RCP et peuvent exiger cette information de leur thérapeute ou de leur chirurgien. Cette RCP pré thérapeutique devrait être tracée dans les dossiers des malades et exigée comme un critère indispensable par les autorités de contrôle des autorisations (ARS).
Reste l’urgence psychologique qui est réelle, faite d’interrogations et d’angoisse, dès que le diagnostic est prononcé. Il appartient au médecin de la gérer au mieux et d’abord en informant le plus complètement possible le malade sur sa situation, en le rassurant et en lui expliquant pourquoi des examens complémentaires et une réflexion pluridisciplinaire sont les meilleures garanties qu’il mette toutes les chances de son côté. Cette maitrise de l’information fait partie intégrante du métier de cancérologue, elle est source de confiance et d’adhésion au traitement. Si elle est moins bien assumée par un professionnel moins expérimenté, le malade le percevra très bien et ce sera une autre source d’inquiétude pour lui !