- Florian L. et Marine (stagiaire)
Rapport de la Cour des comptes sur la Lutte contre la consommation d'alcool
Le 13 Juin 2016, la Cour des comptes publiait son rapport thématique annuel, orienté ici sur la lutte contre la " consommation nocive d'alcool ". Vous pouvez le télécharger en intégralité en cliquant ici.

Synthèse : Les politiques de lutte contre les consommations nocives d'alcool
La consommation d'alcool et sa maîtrise sont des enjeux sociétaux et sanitaires majeurs, peu traités par les médias et sans réelles politiques publiques appropriées. Ainsi, sur les 8.8 millions de consommateurs réguliers d'alcool, l'Observatoire Français des Drogues et des Toxicomanies estime à 2,4 millions le nombre de consommateurs à risque, dont 10% seulement seraient pris en charge. Selon la seule étude récente disponible en France, publiée en 2013, environs 49 000 décès étaient attribuables à l'alcool en 2009, ce qui en ferait la deuxième cause de mortalité évitable. Une étude publiée en 2015 notait que l'alcool était la première cause d'hospitalisation (580 000 patients pour un coût estimé à 2,6 milliards d'€uros) et que la consommation excessive d'alcool était associée à une soixantaine de pathologies, y compris cancéreuses. Par conséquent, notre pays présente une situation préoccupante.
1) État des lieux
Même si la consommation d'alcool a diminuée de 1,7% par an depuis 1960, la France est le 3ème consommateur européen derrière la Lituanie et l'Estonie (11,1 L/habitant contre 8,9 en moyenne en Europe)
Croissance inquiétante des API (Alcoolisation Ponctuelle Importante), comme le Binge Drinking (alcoolisation extrême dans un laps de temps très court)
En 2007, près de 80% des cancers de l'œsophage, 80% des cancers du pharynx, 65% des cancers de la cavité buccale, 25% des cancers du foie, 20% des cancers du côlon-rectum et 17% des cancers du sein sont dus à la consommation d'alcool en France
23% des femmes ont reconnu une alcoolisation durant leur grossesse, et 2% une alcoolisation de 3 verres ou plus à une même occasion (ndlr : pour comparaison, 17,1% des femmes fumaient encore au 3ème trimestre de leur grossesse en 2010 [1])
Le "Syndrome d'Alcoolémie Fœtale" (SAF) concerne au moins 1% des naissances (soit ~8.000 nouveau-nés par an), et dans une autre proportion ~500.000 adultes français souffriraient de ce syndrome à des degrés divers
Augmentation européenne de la consommation nocive d'alcool chez les jeunes
La consommation d'alcool lors des évènements festifs en France est ancrée dans la culture du pays et même dans les modes de vie. Il y a donc une certaine tolérance vis à vis de l'alcool car sa consommation fait partie de l'Histoire, de la culture et de "l'art de vivre" de notre pays. D'ailleurs, la vente et la production d'alcool présentent des enjeux économiques importants pour tous les acteurs. C'est pour cela que les pouvoirs publiques ont des difficultés à mettre en œuvre des politiques publiques efficaces de lutte contre les consommations nocives d'alcool et ceci de manière durable.
En 2013, le chiffre d'affaire HT de la filière française de production d'alcool représentait 22 milliards d'€uros
68500 exploitations et entre 250.000 et 500.000 emplois directs et indirects
La lutte contre la consommation nocive d'alcool se heurte à certaines problématiques :
Nombreuses remises en cause de la loi Evin de 1991, notamment pour atteindre plus facilement certains publics cibles, comme les jeunes et les femmes
Des règles facilement contournées par les marques (placement de produits à la télé et au cinéma, présence dans l'espace publique, publicité dans des magazines aux sujets pouvant toucher aussi bien les adultes que les jeunes (comme le cinéma ou la musique))
Grande latitude des lobbies pro-alcools (8 374 représentants des groupes d'intérêts inscrits en 2015) à cause d'un encadrement peu contraignant
Baisse des moyens mis en œuvre pour contrer l'alcool au volant (18% moins de temps consacré à la sécurité routière entre 2009 et 2014, 15% de fonctionnaires mobilisés en moins)
2) Propositions de la Cour des comptes
Élaborer un programme national et unique de réduction des consommations nocives d'alcool en se basant sur des données fiables, et assorti d'évaluations régulières
Mettre en place une politique de recherche sur l'alcool sur le long terme
Adapter les messages en direction des consommateurs à risques (jeunes, femmes enceintes, personnes en difficultés sociales ou financières), sans pour autant mettre les consommateurs réguliers de côté
Supprimer l'autorisation d'introduction et de consommer de l'alcool sur le lieu de travail actuellement prévue par le code du travail et renvoyer aux règlements intérieurs des entreprises
Augmenter les droits d'accise (taxe) sur l'ensemble des boissons alcoolisées
Mise en place d'un prix minimum obligatoire basé sur le degrés d'alcool présent dans la boisson
Appliquer à tous les supports numériques (internet et réseaux sociaux) les restrictions de publicité en faveur des boissons alcoolisées
Rénover la législation sur les débits de boissons, et l'étendre à tous les points de vente de boissons alcoolisées, et créer un recueil national numérisé des demandes de licences permanentes et temporaires
Augmentation des contrôles d'alcoolémie et amende forfaitaire passée de la classe 4 à la classe 5